Comme en Amour d'Alice Ferney
Comment naît l'amitié ? Par quelles étapes passe-t-elle pour croître et s'affermir ? Qu'est-ce qui peut la détruire ? Que tolère-t- on de ses amis ? Peut-on rester indifférent à leurs goûts, à leurs idées politiques, à la manière dont ils traitent les autres ? Comment l'amitié s'accommode-t-elle des élans amoureux ? Et une femme peut-elle être l'amie d'un séducteur ? Pour le savoir, Alice Ferney livre un homme et une femme à une rencontre. Marianne, vive et franche, styliste renommée, ancrée dans sa famille. Cyril, secret, caustique, célibataire et séduisant, chroniqueur de la vie artistique. A la faveur d'une interview, leur complicité est immédiate. Bientôt ils se parlent tous les jours. Leur conversation devient libre et intime. Dans le "tourbillon de la vie", chacun tour à tour écoute, réconforte, propose son aide, mais quand viennent les grandes décisions, chacun n'a-t-il pas aussi son domaine réservé ? En quarante chapitres enlevés, aussi dialogués que le lien qu'ils explorent, Alice Ferney souligne les formes, la valeur et la fragilité de l'amitié entre homme et femme. Vingt-cinq ans après "La Conversation amoureuse", elle écrit une conversation amicale, comme le second volet d'un diptyque dans lequel la parole crée la relation. Parce qu'en amitié "comme en amour", on se parle, d'abord et toujours.
Alice Ferney que je lis pour la première fois m'impressionne par sa maîtrise de la plume, qui se manifeste autant dans la fluidité de sa prose que dans sa capacité à créer et faire vivre ces personnages qu'on se prend tantôt à aimer tantôt à haïr avec une ferveur qu'on réserve plus volontiers aux personnes de chair et de sang.
 
 En marge de ce décorticage des mécanismes de l'amitié (opération fort bien menée) se dresse aussi un véritable procès fait à la gente masculine. Rien ne l'annonçait sur la couverture mais pourquoi pas ! Bien sûr pas de manichéisme : les femmes de ce récit ne sont pas des saintes immaculées, mais comparées aux degrés de mufflerie qu'atteignent leurs compagnons elles pourraient tout aussi bien l'être. Partialité de la part de l'autrice ? Possible...
 
 Bien entendu la palme est détenue par le personnage de Cyril. Lui qui semblait si vain et si pédant en début d'ouvrage, semblant se racheter par la douceur et la sincérité dont il faisait preuve au milieu, pour sombrer petit à petit et plonger dans l'abîme et devenir un des pires personnage qu'il m'ait été donné de lire. Quel drame pour Marianne que de s'être éprise de ses rares qualités, lui qui se révèle être un condensé de tant de défauts, quasi caricature du petit jouisseur germanopratin vivant au jour le jour, fuyant la grandeur et l'effort pour s'accrocher une liberté d'adulescent. Mais au moins offrait il une amitié véritable à Marianne. Est-elle réellement mieux sans lui lorsqu'ils se perdent de vue à la fin du récit ? La question est lancinante et va me hanter un temps.
Un livre scalpel décortiquant les relations d'amitiés avec expertise.
Coup de cœur de Samuel (Médiathèque de Mitry-Mory)
 






